A chaque nouvelle série animée Batman, c'est la même chose. Les adorateurs de Bruce Timm et Paul Dini en profitent pour rappeler la grandeur de Batman TAS dont la beauté crépusculaire ne saurait être comparée aux nouvelles déclinaisons animées du justicier de Gotham. Et s'il est évident que ce Beware The Batman est loin de prétendre égaler le génie narratif et visuel de son illustre prédécesseur, il s'agit pourtant d'une nouvelle interprétation du sombre justicier bien plus honorable qu'elle n'y paraît derrière sa grossière apparence.
Car Beware The Batman a tout pour dégoûter dés le premier regard. Se conformant à la banalisation populaire, hélas bien installée, des images de synthèse au détriment de l'animation traditionnelle, la série affiche une direction artistique absolument catastrophique qui dénature le mythe dont elle est supposée lui donner une nouvelle vitalité. Gotham délaisse ainsi son atmosphère macabre et gothique pour devenir une ville désespérément ordinaire dont la banalité visuelle est d'autant plus frustrante qu'elle est d'une propreté chirurgicale. Des environnements bien trop lisses, sans saleté ou fissures, qui donnent l'impression d'être littéralement sortis d'un ordinateur.
Le chara design ne parvient pas à compenser ce triste état visuel, ses quelques réussites étant largement inférieures à ses échecs. L'animation des combats se révèle pour sa part bien trop rapide et confuse même si elle est compensée par une mise en scène parfois ingénieuse, particulièrement dans les épisodes réalisés par Sam Liu, un habitué des productions super héroïques.
De leur côté, les scénaristes ont fait le choix tout à fait honorable d'exploiter des méchants peu connus de l'univers Batman, délaissant les traditionnels Joker et Catwoman. Une perspective réjouissante mais bien mal exploitée par la série, tant les nouveaux antagonistes apparaissent au mieux comme des caricatures de méchants plus illustres ou des classiques ennemis de cartoon.
Face à toutes ces lacunes, que reste t-il donc pour sauver la série du naufrage? Et bien un trio extrêmement solide de personnages principaux qui permet d'apprécier une certaine qualité d'écriture les concernant. Moins attachant que dans Batman TAS, Bruce Wayne met l'accent sur sa rigueur psychologique mais fort heureusement sa volonté mentale est fréquemment malmenée par sa propre vulnérabilité physique. Élément central de la mythologie du justicier mais que les dernières séries avaient négligées certainement par paresse narrative, la mortalité de Batman est ici régulièrement ramenée au premier plan en rappelant le contraste entre l'immensité quasi divine de la tâche qu'il se donne et ses limites humaines. De manière globale, la tonalité des héros se veut assez sérieuse, ce qui fait réellement plaisir après l'enfantillage ridicule de The Batman et le kitch assumé de l'Alliance des Héros. L'humanisation des héros s'opère également par une bonne dose d'humour sarcastique qui vient alléger leur portrait sans les ridiculiser. Enfin ce trio central est solidement appuyé par l'interprétation des comédiens de doublage convaincants dans leurs rôles, autant en VF qu'en VO.
La série témoigne également de qualités intéressantes sur le long terme, comme une meilleure continuité narrative entre les épisodes et une noirceur assez inattendue dans ses rebondissements. Rien qui permette toutefois de crier au génie ou de faire de cette série une sincère réussite mais des qualités suffisamment conséquentes pour équilibrer avec ces défauts si désespérément visibles. Le potentiel de Beware The Batman était consistant et enrichie par une direction artistique vraiment inspirée et une meilleure exploitation des antagonistes, la série aurait pu incarner la véritable renaissance de Batman en animation. En l'état actuel des choses, Beware The Batman demeure une honorable retrouvaille avec l'univers du charismatique Justicier Démon, mais à réserver seulement aux fans qui auront la patience d'outrepasser les faiblesses initiales de la série.